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De nouvelles perspectives en Documentation ?

mercredi 3 octobre 2012, par Florian Reynaud

Si l’attente est un terme qui caractérise le métier de professeur documentaliste, cela ne justifie pas pour autant la passivité devant certains écarts problématiques au niveau institutionnel. Quels sont les espoirs de changement pour la profession ?

A travers trois nouvelles publications, la 4e version du SDET [1], un billet pseudo-scientifique de Jocelyne Ménard sur la professionnalisation des professeurs documentalistes [2], et surtout l’article d’Olivier Le Deuff sur les irrégularités observées dans la constitution des jurys du CAPES [3], on continue d’observer quelques dérives dans le monde relativement clos de la Documentation en milieu scolaire.

Sans doute les problématiques différentes, soulevées par chaque texte, nous renvoient à un souci structurel plus large. Certains l’ont bien vu, par exemple François Jarraud, toujours en quête de sensationnalisme dans ses billets, quand il présente, à force de mauvaise ironie et de raccourcis [4], le troisième de ces textes [5], à savoir l’article dans lequel Olivier Le Deuff met en avant l’illégalité dans laquelle serait constitué le jury du Capes interne de Documentation pour la session 2013, posant par ailleurs la question éthique d’une neuvième nomination du même président au Capes externe de Documentation, malgré une interruption pour une session, pour une cinquième nomination d’affilée, à titre exceptionnel donc, avec une curiosité légitime quant au caractère exceptionnel de cette nouvelle nomination [6], en regard de l’ensemble et du cumul des charges auquel fait référence l’article.

Un problème juridique, sur des bases morales

Le problème mis en avant par Olivier Le Deuff est avant tout un problème juridique. Il paraît pour autant évident que ce problème soit mis en avant pour remonter à l’origine morale du texte de loi cité, à savoir l’Arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les modalités d’organisation des concours du certificat d’aptitude au professorat du second degré [7], stipulant dans l’article 11 que « Le président, le ou les vice-présidents et les membres du jury ne peuvent participer à plus de quatre sessions successives. À titre exceptionnel, leur mandat peut être prorogé pour une session. » Il ne s’agit pas d’un simple article qui, en l’occurrence, ne serait pas appliqué, mais bien d’une règle visant à amener un renouvellement nécessaire, qu’il s’agisse de la session externe ou de la session interne, afin de varier les dynamiques liées aux différentes sections du CAPES, tout comme on peut souhaiter que les IGEN chargés de sections ne soient pas en fonction sur un trop long terme, ou qu’ils soient suffisamment nombreux dans une section pour favoriser l’échange, constructif, objectif, sur des critères politiques et scientifiques, entre différentes conduites. Il s’agit actuellement pour la Documentation, au niveau national, de ne s’attacher qu’à l’aspect matériel des TICE, on peut tout de même s’en alarmer, trouver cela dommage...

Signaler l’irrégularité liée au CAPES interne, l’abus lié au CAPES externe (avec une forme de contournement du texte réglementaire), peut être l’occasion, sans remettre en question les réflexions menées depuis dix ans autour de certaines notions documentaires, de donner davantage d’éclat aux missions pédagogiques des professeurs documentalistes. Il s’agit d’une règle saine, d’alternance, pour éviter l’inscription d’une idéologie qui n’est pas partagée par tous, afin de rééquilibrer la gestion des enjeux de la profession, par exemple. Dans ce cadre, il paraît étrange de considérer la question d’Olivier Le Deuff comme un règlement de compte : ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais de l’intelligence soutenue par la loi d’une gestion raisonnée d’un personnel, de leurs missions, et de leur recrutement.

Pour un meilleur développement des enjeux et cadres pédagogiques

La question rattrape donc celle du développement des Learning Centers ou 3C, certes. Les raisons sont simples : le projet des 3C a été mis en avant de manière unilatérale, sans consultation des professeurs documentalistes (ou sans retour des consultations effectuées), sans consultation des milieux scientifiques des Sciences de l’information et de la communication ou des formateurs en IUFM. Il s’agissait de présenter une expérimentation, avec des doutes sur ce que l’on cache derrière ce terme. Dans la 4e version du SDET, en page 25, les auteurs considèrent acquis ce processus contesté par les acteurs professeurs documentalistes, processus qui n’en est qu’à l’expérimentation, donc. On semble dépasser des compétences du texte pour imaginer déjà, sans retours, que les CDI deviennent des centres d’apprentissages autonomes, sans pertinence scientifique et pédagogique, dans le cadre d’une politique documentaire dont la définition ne paraît pas bien limpide dans l’esprit des auteurs du SDET... Même si le document n’a pas grande valeur, au regard des réalités et des possibles, de telles postures sont malheureusement préjudiciables à la profession.

L’un des dangers de l’assimilation des perspectives de l’IGEN se retrouve dans la défense affiliée d’un processus de professionnalisation qui ne passerait plus que par ce qui pourrait faire traditionnellement et populairement légitimité, la seule gestion documentaire. En faisant appel à une sociologie liée aux processus de professionnalisation, qui n’a pas grande pertinence quand on la rapporte à des métiers de la fonction publique, ainsi que le font Florence Thiault, docteur en Sciences de l’information et de la communication, PRCE en Documentation à l’Université Rennes-2 [8] ou Jocelyne Ménard, chercheur au laboratoire CREAD EA3875 de la même Université Rennes-2 [9], on oublierait presque que ce ne sont pas seulement, loin de là, les professionnels, sur le terrain, qui construisent ce métier, mais l’IGEN et les rectorats, selon l’évolution donnée aux concours et la définition académique des procédures de recrutement, selon la rédaction des protocoles d’inspection et selon l’impulsion renvoyée au réseau des IA-IPR et des professeurs documentalistes eux-mêmes, fonctionnaires pour la plupart.

Ainsi, en accord avec les perspectives de l’IGEN, Jocelyne Ménard oublie totalement, dans la communication citée, les missions pédagogiques des professeurs documentalistes, et retourne le métier du côté de services aux enseignants, liés au numérique, revenant à des SDI implantés dans les ENT, sans égard aucun pour les apprentissages assurés auprès des élèves en accord avec la circulaire de 1986, apprentissages également en pleine évolution, permanente, avec l’évolution des TICE [10]. Florence Thiault ne se situe pas dans la même posture intellectuelle, en interrogeant de son côté la part pédagogique du métier, et parlant d’un « contexte d’absence de projet institutionnel de professionnalisation » : il existe pourtant bien un projet institutionnel, formalisé dans plusieurs textes, du protocole d’inspection de 2006 au Vademecum 3C de 2012, mais sur des perspectives qui ne conviennent pas à l’ensemble de la profession et à la communauté scientifique liée aux SIC, justement sur les aspects pédagogiques, qui ne sont pas une priorité de l’IGEN.

Aucun règlement de compte : le souhait légitime de nouvelles perspectives

Certains nous disent, et je cite là un commentaire à l’article d’Olivier Le Deuff, « que les IG s’intéressant à la documentation, quelque soit leurs choix et leurs actions politiques, se comptent facilement : il n’y en a qu’un… ». S’il s’agit de cela, au-delà de la présidence d’un jury, rappelons alors qu’un IGEN se recrute, que l’on n’est pas obligé de le trouver parmi ceux qui existent déjà, mais parmi les fonctionnaires de catégorie A titulaires du doctorat, par exemple en Sciences de l’information et de la communication, de même que pour la présidence des jurys, sans aller chercher des agrégés d’autres sections (comme il n’y a pas d’agrégation de Documentation).

Il me semble enfin que le recrutement d’un IGEN spécialiste des Sciences de l’information et de la documentation, dans le cadre actuel, peut se passer d’un concours, avec le caractère exceptionnel justifié d’une nomination, sans que cela pose un problème éthique ou moral, afin de donner davantage de légitimité et d’appui à la profession, dans un tel contexte. Il ne s’agirait pas, d’ailleurs, d’une dérive, en termes juridiques, comme de celle dont parle Olivier Le Deuff au sujet de la présidence des concours, surtout quand on considère bien que c’est un cercle récent, dont on parle, sans véritables ouvertures ministérielles, depuis 1989, à la gestion des dossiers, en haut lieu, par des spécialistes.

Conclusion

Sans parler ici de la question de l’agrégation, il me semble que la nomination de spécialistes auprès de l’IGEN, avec le règlement des questions juridiques liées aux jurys, serait un grand pas en avant pour la Documentation scolaire, pour le corps des professeurs documentalistes, pour le développement de l’éducation aux médias, des apprentissages info-documentaires. Ce serait une étape nécessaire par ailleurs pour l’organisation raisonnée, sans caractère unilatéral donné depuis la seule Vie scolaire, au travail de coordination entre professeurs documentalistes et professeurs de discipline, équipes de direction et personnels de la vie scolaire.

Documents joints

Notes

[117 sept. 2012. Disponible sur (PDF) : http://cache.media.eduscol.education.fr/file/sdet/61/1/SDET-v4.0_226611.pdf (consulté le 20/09/2012). Soulignons que le schéma directeur ne revêt aucun caractère obligatoire.

[2Ménard, Jocelyne. Le professeur documentaliste et le numérique : le renforcement d’un processus de professionnalisation dans le signalement, l’organisation et la mise à disposition de ressources. 9 sept. 2012. Disponible sur (PDF) : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/72/74/22/PDF/le_professeur_documentaliste_et_le_numA_rique.pdf (consulté le 03/10/2012). Propos dont le caractère limité à été relevé par Frédérique Yvetot sur le site du Café pédagogique, le 22 sept. 2012 sur : http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/documentation/Pages/2012/135_CDI_Une.aspx

[3Le Deuff, Olivier. Capes interne de doc = un jury qui bafoue les règles de nomination. in Le guide des égarés. 30 sept. 2012. Disponible sur : http://www.guidedesegares.info/2012/09/30/capes-interne-de-doc-un-jury-qui-bafoue-les-regles-de-nomination/ (consulté le 03/10/2012)

[4Je m’en tiens au raccourci concernant le souhait d’une discipline, M. Jarraud choisissant le même épouvantail que M. Durpaire, à ce sujet.

[5Jarraud, François. Règlement de compte au CDI. 2 oct. 2012. Disponible sur : http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2012/10/02102012Article634847499327943598.aspx (consulté le 03/10/2012).

[6L’APDEN propose un récapitulatif des présidences, sous forme de tableau, disponible sur http://apden.org/Le-CAPES-Documentation-2013.html

[8« Penser l’information-documentation en milieu scolaire comme un métier original », InterCDI, 2012, n° 238, p. 30-33

[9« Le professeur documentaliste et le numérique : le renforcement d’un processus de professionnalisation dans le signalement, l’organisation et la mise à disposition de ressources. », sept. 2012, disponible sur HAL à http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/72/74/22/PDF/le_professeur_documentaliste_et_le_numA_rique.pdf

[10On peut espérer que la thèse entière de Jocelyne Ménard, dont le projet est présenté sur http://www.theses.fr/s28252, ne se limitera pas à une simple réponse à ce que souhaite l’institution, sur une base de professionnalisation qui, si elle est solide, ne correspond qu’à une partie réduite du métier.

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