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"Cultures numériques, Éducation aux médias et à l’information"

Retour sur la conférence

dimanche 9 juin 2013, par Florian Reynaud

L’introduction de l’éducation aux médias et à l’information dans le paysage français se pose sur la base de contenus et de débats qui ne sont pas nouveaux. La conférence organisée en 2013 à Lyon sur le sujet permet de situer cette nouvelle expression, l’EMI, dans un contexte théorique et pratique.

Les 21 et 22 mai 2013, s’est déroulée à l’ENS de Lyon la Conférence nationale « Cultures numériques, Éducation aux médias et à l’information ». Le site officiel, toujours ouvert, permet de retrouver l’ensemble des communications des intervenants, au format PDF, ou en vidéo (format qui n’est pas encore disponible à l’heure de l’écriture de ces lignes), mais également l’ensemble des 50 « posters », présentations variées de projets et de séquences pédagogiques développées en collège et en lycée par les professeurs disciplinaires et professeurs documentalistes [1]. Notons que l’amphithéâtre était moins rempli que ce qu’on aurait pu croire, en particulier après les premières interventions, d’introduction. Nous avons quelques précisions sur les présences, données par Mireille Lamouroux, avec ainsi, sur 582 inscrits, 440 inscrits provenant de l’Éducation nationale, parmi lesquels environ 100 personnels de direction et inspecteurs, 100 professeurs de discipline, 80 professeurs documentalistes [2].

Il s’agit ici de proposer, sous la forme d’un compte rendu, une lecture des contenus et des échanges, en particulier lors des temps de tables rondes. Cette lecture est celle d’un professeur documentaliste, avec des commentaires relatifs à la profession de professeur documentaliste, mais sans oublier son inscription parmi les équipes pédagogiques en EPLE et les partenaires extérieurs [3].

En ouverture, Éric Bruillard, professeur à l’École normale supérieure de Cachan, co-président de la Conférence, insiste sur l’importance à donner, dans cette conférence sur le numérique, à la notion d’esprit critique, mais avec une exigence scientifique. Ainsi, l’esprit critique est bien une disposition, qui se définit dans un cadre collectif (à travers des échanges, des débats), de manière instrumentée. On pourra regretter que cette notion ne soit pas beaucoup développée au cours des deux journées, si ce n’est essentiellement lors de la dernière table ronde. Le reste des introductions ne revêt pas grand intérêt dans le contenu, mais avec toutefois quelques inquiétudes professionnelles, à l’écoute, ainsi quand Madame la Rectrice de l’académie de Lyon évoque l’existence des « services de vie scolaire et de documentation », ou quand Jean-Yves Capul, sous-directeur de la DGESCO, estime que le numérique, au sens large, est surtout un moyen d’enseignement, plus qu’un objet d’enseignement, dans le cadre du secondaire, ou encore quand Jean-Yves Daniel, doyen de l’IGEN, dit s’être laissé facilement convaincre par Jean-Louis Durpaire, IGEN en charge de la Documentation, co-président de la Conférence, du bien-fondé d’une transformation du CDI en « espace de multipolarité et de virtualité », dans une redéfinition des « médiathèques scolaires », dans l’idée d’espaces d’autonomisation, là aussi sans estimer, en tout cas dans son propos, le développement d’un enseignement nécessaire de l’information et des médias.

Table ronde 1
Cultures numériques : quelles responsabilités de l’école ?

Eric Sanchez, maître de conférences à l’ENS de Lyon, animateur de ce débat, cite en introduction quelques extraits de contributions proposées sur le site de la Conférence, pas seulement de la part de Bertrand Richet, mais également de la part d’Ivana Ballarini et de l’APDEN [4]. Christian Gautellier, directeur national de la communication, au CEMEA, suppose que de nouvelles pédagogies doivent être mises en place, sur des temps particuliers, partant par exemple des pratiques extérieures des élèves. Il estime également que l’école doit entrer en partenariat avec les parents, mais encore avec d’autres structures. On pourrait prendre peur d’une méconnaissance de certaines actions éducatives, pédagogiques, mises en place par les professeurs documentalistes, dans ce cadre, avec un rôle pédagogique totalement éludé par Michel Perez, IGEN de langues vivantes. Notons toutefois que celui-ci pose, après le doyen de l’IGEN, la nécessité d’un changement dans l’organisation des temps et des espaces.

Sophie Jéhel, maître de conférences en SIC à l’Université Paris-8, au CEMTI, développe « l’idée d’un cursus en éducation aux médias et à l’information, couplé avec l’instruction morale et civique », avec sept points intéressants autour desquels développer une réflexion, selon elle : le rôle de l’éducation civique (en partenariat avec le CLEMI), l’approche esthétique et dramaturgique des médias, l’analyse sémiotique des contenus, le fonctionnement économique des médias, les valeurs (en prenant l’exemple, en argumentation, d’une socialisation politique des jeunes par le biais de la télé-réalité), la représentation sociologique donnée par les médias, enfin le fonctionnement du média lui-même. Elle propose d’inventer un outil multidimensionnel, avec une question qui lui paraît essentielle : comment transmettre des valeurs par rapport à l’opposition d’un espace médiatique et informationnel qui n’est pas régulé ?

Après que la question ait été posée par la salle, Paul Mathias, IGEN doyen du groupe Philosophie, ainsi que Christian Gautellier, affirment le rôle crucial des professeurs documentalistes, selon les priorités des « inspecteurs en charge des professeurs documentalistes », en collaboration avec les inspecteurs de disciplines. Le journaliste Xavier de la Porte insiste quant à lui sur l’idée de « métaculture », au sujet de la culture numérique ; il soutient l’idée d’un enseignement, mais sans qu’on entre encore ici dans les détails.

Table ronde 2
L’information, objet et flux : son architecture, son économie et ses sciences.

Jean-Michel Salaün, professeur en SIC à l’ENS de Lyon, pose deux questions liées au développement des usages numériques, d’abord celle d’une attention limitée et de l’apprentissage mis en œuvre par rapport à cela, ensuite la question d’une reconstruction par nos traces, de l’autonomie et du degré de liberté que nous avons face ce phénomène relativement nouveau. Pour réponse, il convoque le champ d’une « architecture de l’information », à comprendre comme une organisation des chemins pour accéder à l’information, en répondant ainsi aux désirs de l’utilisateur. Pour lui, il est important que l’économie française, mais aussi l’école, se saisissent de ce concept. Il évoque à cet égard un article d’Angèle Stalder, mais en omettant de préciser que cet article concerne l’enseignement de l’architecture de l’information, en lycée, et pas la mise en œuvre d’une architecture de l’information par les professeurs documentalistes, une fonction dont M. Salaün balbutie le nom, peu spécialiste qu’il est de l’école, nous dit-il. Il confirmera son idée de CDI voués à l’architecture de l’information, lors d’une réponse à la salle, sans approche pédagogique, quand Noël Uguen demande s’il ne serait pas plutôt judicieux d’aider les élèves à créer leur propre environnement informationnel, à partir d’apprentissages pouvant être assurés par les professeurs documentalistes, avec alors une didactisation de ce domaine.

Serge Abiteboul, chercheur en informatique à l’INRIA, insiste sur les mutations des usages numériques, dans le volume des données enregistrées, accessibles, avec une nécessité d’apprendre à valider, à vérifier : il en appelle à un véritable enseignement de l’informatique, en faisant référence au rapport de l’Académie des Sciences, publié en mai 2013 [5].

Alain Rallet, économiste et professeur à l’Université Paris-Sud, directeur de l’ADIS, n’aborde pas le sujet en relation avec l’éducation proprement dite, mais présente un point de vue économique qui peut intéresser l’école, avec trois grandes idées. La première met en avant l’imperfection de l’information sur Internet, avec des calculs économiques qui sont alors imparfaits, contre l’idée que tout est à disposition sur Internet, avec l’intérêt de mettre en place des mécanismes nouveaux, pour faire en sorte que l’information soit moins imparfaite [6]. La deuxième idée relève des questionnements développés autour de l’accès légal ou illégal aux données : le bien numérique est un bien « non rival » (on donne un fichier, mais on en dispose toujours soi-même), si bien qu’il est rationnel de ne pas vouloir l’acheter, et c’est un bien multipliable, avec un coût de reproduction quasiment nul, si bien qu’il peut être facilement détourné, et qu’il est rationnel de ne pas faire payer ces produits, posant la difficulté de tirer des revenus directs des biens numériques. La troisième idée, étroitement liée à la seconde, précise que les réseaux sociaux fonctionnent avec la donnée personnelle comme un « carburant » économique, avec une incitation à divulguer des informations personnelles pour avoir un service d’appariement, avec une progression de la demande du réseau, dans le temps d’utilisation, à fin d’obtenir les données personnelles, posant la question du contrôle des individus sur ces données.

Table ronde 3
Éducation aux médias et à l’information :
pistes européennes et internationales de contenus et de démarches
.

Luisa Marquardt, professeur en Sciences de l’information et des bibliothèques à l’Universite de Rome, présidente du pôle Europe de l’Association internationale des bibliothèques scolaires, propose que les bibliothèques scolaires soient repensées en Learning Centres, centres de ressources, « troisième espace », afin d’offrir un environnement d’apprentissage aux élèves. Le problème de cette intervention, malgré la qualité du propos, c’est l’impression d’une problématique incompatible avec le modèle français, sans d’ailleurs que le cadre des CDI et du travail des professeurs documentalistes, spécifique, soit au moins évoqué, voire connu. Le constat proposé sur l’international paraît tout simplement trop superficiel : on pourrait avoir le sentiment, finalement, connaissant nos CDI et nos professeurs documentalistes, que Luisa Marquardt souhaiterait que les bibliothèques scolaires, à l’international, deviennent des CDI, véritables espaces d’apprentissages qui n’existent pas dans beaucoup d’autres pays, la perspective du Learning Centre étant alors nulle et non avenue pour le système éducatif français, simple expression qui serait garante d’une innovation qui n’est pas évidente. Cette idée d’un système français favorable est d’ailleurs confortée par une statistique que Luisa Marquardt expose elle-même, à savoir que les élèves de France ont le meilleur niveau en compétences informationnelles, numériques et informatiques, à 11,6 % alors que la moyenne de l’OCDE est à moins de 5 % [7].

José Manuel Pérez Tornero, de l’université autonome de Barcelone, et Patricia Wastiau, de l’European Schoolnet, constatant l’insuffisance des usages numériques à l’école, au niveau européen, n’apportent pas de comparaisons et de pistes concrètes, s’en tenant à des considérations sur la nécessité de redéfinir la classe, les apprentissages, en particulier dans le cadre d’une coopération internationale.

Table ronde 4
Lire et écrire dans un monde numérique.

Catherine Becchetti-Bizot, IGEN de Lettres, et Vincent Liquète, professeur à l’Université Bordeaux-4, animent les échanges. La première, en introduction, pointe le manque de référentiel pédagogique, mais avec une grande capacité d’adaptation des enseignants. Vincent Liquète précise que le monde numérique s’avère difficile à délimiter, mais avec des pratiques pédagogiques intéressantes, en particulier de la part des professeurs documentalistes, qui ont développé des pratiques évolutives, vers la maîtrise du numérique, puis vers la littératie numérique.

Jean-François Rouet, chercheur en psychologie, directeur de recherche au CNRS, estime qu’il faut développer un certain nombre de compétences avant de pouvoir maîtriser la lecture et l’écriture numérique, avec une exigence didactique relative à l’intertextualité et à la recherche de l’information, deux notions plus complexes dans le paradigme numérique qu’avec l’imprimé. Cela suppose de travailler sur l’exploration visuelle, sur la navigation numérique, d’une part, sur l’évaluation de la qualité et de la crédibilité de l’information, d’autre part. Il rejette l’idée simpliste, non pertinente, que l’accès puisse conditionner la compétence, et regrette le manque de cohésion dans les interventions pédagogiques des professeurs des écoles, des professeurs documentalistes et des professeurs de disciplines.

Serge Bouchardon, maître de conférences en SIC à l’Université de Technologie de Compiègne, aborde la question sur des aspects plus techniques, en insistant sur la grande variabilité de l’écriture, à travers la génération de code dynamique, à travers le développement de nouveaux outils d’écriture numérique. Claire Bélisle, docteure en psychologie, consultante en ingénierie de formation et environnement numérique, s’intéresse à la redéfinition de la littératie, dans le monde numérique, avec la nécessité de produire de nouveaux repères dans la lecture numérique. La lecture et l’écriture numérique apparaissent comme interactives, instrumentées, nécessitant la maîtrise des outils, et complexes, avec plusieurs types de lectures, le balayage, la question de l’attention, avec une plus grande compétence cognitive à développer qu’avec la lecture et l’écriture imprimée et manuscrite.

Table ronde 5
Ressources numériques : de nouvelles opportunités pour le travail,
la collaboration et la formation des enseignants ?

Ghislaine Gueudet, enseignante chercheuse à l’IUFM de Bretagne, dresse d’abord un bilan en demi-teinte du dispositif Pairform@nce. Isabelle Quentin, docteure en sciences de l’éducation, spécialiste des réseaux enseignants, enseignante en économie-gestion, dans l’académie de Lyon, présente un résumé de sa thèse sur les réseaux en ligne d’enseignants, reconnus par les pairs comme des outils efficaces de formation, sans un mot toutefois de sa part sur les réseaux en ligne des professeurs documentalistes [8]. Kenneth Ruthven, professeur des universités et directeur de la recherche à la faculté d’éducation de l’Université de Cambridge, donne quelques éléments relatifs à l’utilisation des ressources en Grande-Bretagne, sur un autre modèle.

Enfin Jean-Marc Merriaux, directeur du CNDP, s’amuse de partir de la manière dont le CNDP peut s’y prendre pour diffuser des connaissances, depuis le CNDP, à comprendre les ressources produites par le Scérén, vers les EPLE, avec le CDI, dans une approche managériale, à comprendre de redressement économique d’un CNDP qui n’a jamais trop réussi à diffuser ces éditions autant qu’il le souhaitait, comme on peut penser, dans la pratique, que la demande n’est pas à la hauteur de l’offre... Les questions sont posées, depuis la salle, des responsabilités humaines, aisément éludées derrière le lieu CDI, ou encore de l’idée d’un développement de missions de service par des professeurs documentalistes qui ne sont pas là pour cela, d’autant plus que leurs collègues professeurs de disciplines ne sont pas en attente de tels services, dont le développement ne participerait pas à redorer l’image des professeurs documentalistes, ne participerait pas à mettre en avant leur rôle pédagogique (tel que ce peut être souhaité par plusieurs intervenants). M. Merriaux, qui ne semble pas très au courant de ce que sont et de ce que font les professeurs documentalistes, répond que ceux-ci seraient tout à fait à même de participer à cette diffusion et à ce partage des ressources.

Table ronde 6
Éduquer aux médias et à l’information :
que devrait-on faire à l’école, quelles sont les urgences ?

Pour Divina Frau-Meigs, professeur des universités à l’Université Paris-3 Sorbonne Nouvelle, il s’agit de cerner trois buts : la citoyenneté, l’employabilité, la créativité. Elle propose un domaine éducatif nouveau, le devenir et le savoir-devenir, soutenu par une pédagogie du projet engageant, autour de quatre besoins socio-cognitifs : la mise à jour de soi, le choix alternatif, les modalités ludiques et l’engagement citoyen. La question se pose d’un curriculum, d’un dispositif pédagogique, avec des équipes pédagogiques qui développeraient des projets en cohérence autour des notions dégagées dans le domaine, supposant une évaluation spécifique à certains moments de la scolarité.

Jérôme Dinet, maître de conférences à l’Université de Lorraine, souhaite que l’on prépare les élèves et les étudiants à un monde qui n’existe pas encore, mais avec une lecture technophile des révolutions historiques qui peut faire bien du mal aux oreilles de n’importe quel historien, tant son survol analytique est simpliste. Heureusement, sur les aspects contemporains d’une éducation associée au développement numérique, l’exposé devient plus brillant, même si l’on n’est pas obligé de partager le point de vue, avec une nécessité, selon lui, de mettre au centre de l’enseignement les comportements humains (émotions, affects, ressentis), de placer l’élève au cœur du dispositif de création des ressources, ou encore de s’appuyer sur ce que font les élèves au quotidien.

Pour ce qui concerne Alexandre Serres, maître de conférences à l’Université Rennes-2, je cite le compte rendu écrit à huit mains avec mes collègues professeurs documentalistes présents également à la Conférence, compte rendu publié sur le site "Docs pour docs" [9].

« Alexandre Serres pose la question de l’évaluation de l’information, essentielle selon lui dans le cadre des apprentissages. Il cite Umberto Eco, qui, dans une entrevue donnée au Monde en 2010 (Entretien avec Umberto Eco : « Je suis un philosophe qui écrit des romans »), précisait que, « à l’avenir, l’éducation aura pour but d’apprendre l’art du filtrage ». Cet art du filtrage suppose trois entrées, technologique, sociale et éducative.

Il s’agit, selon Alexandre Serres, de proposer une « trousse à outils » contre les info-pollutions et contre la manipulation. Par ailleurs, il appelle à ce que soient tirées les leçons du renversement du modèle de validation, qui suppose de former les élèves à l’esprit critique, de sorte qu’ils apprennent à penser par eux-mêmes, au-delà des apparences, contre le panurgisme si répandu sur les réseaux sociaux.

Alexandre Serres met en garde contre l’illusion techniciste et contre l’illusion sociale, posant la nécessité de relativiser les compétences informationnelles des élèves, qui s’avèrent en réalité très limitées. Ainsi les élèves ne sont pas autonomes devant les outils numériques.

Concrètement, Alexandre Serres propose de former à la complexité de l’information, ce qui sous-entend l’apprentissage de notions spécifiques, avec une progressivité dans les apprentissages, du collège au lycée, selon les savoirs informationnels enseignés. Il souhaite la définition pédagogique d’une translittératie qui rassemble « éducation aux médias » et « éducation à l’information », fondée sur une prise de responsabilité transversale de ces apprentissages, entre professeurs documentalistes et autres enseignants.

Ces propositions supposent, selon lui, trois mesures.

  • Il s’agit d’abord de construire un curriculum info-documentaire, au moins pour le collège et le lycée.
  • Il convient par ailleurs d’assurer un cadre d’apprentissages, avec une heure de formation hebdomadaire, sur chaque niveau du secondaire, assurée principalement par le professeur documentaliste, et dont la modalité (opératoire ?) serait la pédagogie de projet. Cette formation s’inscrit dans les réflexions élaborées par le GRCDI. Ce groupe de recherche a porté ses travaux sur la nécessité d’une co-construction entre éducation à l’information (EAI), éducation aux médias (EAM) et à l’informatique (EATIC).
  • Enfin, il propose d’encourager la réflexion collaborative entre les professeurs documentalistes et tous leurs partenaires. Pour réaliser ces objectifs, il en appelle à reprendre les travaux et la réflexion sur l’élaboration d’un curriculum info-documentaire. »

Odile Chenevez, responsable du CLEMI de l’académie d’Aix-Marseille, revient sur les notions connues des professeurs documentalistes, à savoir la popularité, l’autorité, la production numérique, le jugement, la neutralité, la relativité de l’information, la validation, toutes notions qui méritent encore en effet d’être questionnées, sans doute à présent sur un niveau didactique que le CLEMI n’est pas amené à prendre en charge, mais qu’il peut continuer d’accompagner. Elle questionne aussi la responsabilisation de l’élève vis-à-vis de ses productions.

Si Jean-Louis Durpaire, IGEN en charge de la Documentation, souhaite, maintenant que l’innovation est bel et bien là selon lui, que l’innovation se généralise, Divina Frau-Meigs émet des doutes sur la proposition, estimant que tous les professeurs ne peuvent être également innovants, quand ils le veulent, qu’il faut être réaliste par rapport à la capacité innovante des uns et des autres, et qu’il ne convient pas d’entrer dans des logiques de mépris qui peuvent se développer, les uns vis-à-vis des autres, en considérant par exemple que ceux qui ne sont pas dans l’innovation, que ceux qui n’utilisent pas le numérique, sont de mauvais enseignants, tandis que les autres, qui se considéreraient peut-être meilleurs en se regroupant à l’intérieur de telles manifestations, s’estiment dans le vrai et refusent par là même une certaine complémentarité réaliste entre enseignants. Elle insiste sur la question d’un curriculum à mettre en place, de même qu’Alexandre Serres, qui considère qu’il faut insister sur le développement des savoirs informationnels, contre un enseignement ex cathedra, mais bien pour une pédagogie à projets telle qu’elle peut être développée déjà, en particulier par les professeurs documentalistes, avec le souci d’une transversalité avec les autres enseignements.

Réaction des grands témoins

Temps positif, Geneviève Jacquinot met en avant des points importants pour la pratique, avec le souhait d’éviter de produire des ghettos dorés depuis lesquels certaines expérimentations ne sont pas suivies, ou développées. Elle souhaite que l’on ne se focalise pas trop sur les comparaisons internationales, et donc sur les politiques européennes par exemple, avec la nécessité de bien prendre en considération le contexte spécifique de chaque pays, et donc en France de bien prendre appui sur les recherches menées en Sciences de l’information et de la communication, et moins d’ailleurs sur les Sciences de l’éducation, encore trop conservatrices à son avis. Elle est en accord, ainsi, avec Alexandre Serres, sur la question du développement de savoirs informationnels, mais en souhaitant que les chercheurs rencontrent les praticiens, en séances pédagogiques, sur des sujets sur lesquels ils peuvent travailler ensemble. Elle souhaite aussi que le champ de la discipline soit repensé à l’éclairage du numérique.

Par contre, Jean-Pierre Véran, comme on pouvait s’y attendre à la lecture d’un billet publié sur son blog le 17 mai, quatre jours avant la Conférence [10], donne une conclusion institutionnelle à la Conférence, sans grande prise en considération des interventions et des échanges, martelant l’idée d’une redéfinition des temps et des espaces, évoquée uniquement par quelques IGEN, par le directeur du CNDP, et par Luisa Marquardt au sujet d’une comparaison internationale assez peu pertinente. De même, Jean-Pierre Véran fait référence au PACIFI, document qui, s’il existe, porte un contenu très faible, sans nouveautés didactiques et pédagogiques sur les thèmes abordés lors de la Conférence [11], alors que de véritables chantiers de réflexion doivent être ouverts à présent, avec des voies concrètes à développer, en particulier autour du travail pédagogique des professeurs documentalistes, des voies dont ce grand témoin semble ne pas vouloir entendre parler, avec un blocage malvenu pour ceux qui suivent les débats depuis deux ou trois ans.

Conclusion : comment dépasser les tensions ?

On peut ainsi retenir une tension réelle entre deux perspectives. D’une part la politique européenne et le discours institutionnel français qui en découle, proposent un développement de la ressource pédagogique et de sa diffusion, d’après un modèle économique, en insistant sur l’accès aux connaissances plutôt que sur l’apprentissage ou l’enseignement de l’information et des médias. L’IGEN ne rejette pas, toutefois, les aspects pédagogiques associés à la culture numérique, la participation à l’organisation de cette Conférence en est un signe. Mais elle affirme une priorité telle, à la gestion des lieux et des ressources, qu’elle ne donne sans doute pas une importance suffisante aux questions didactiques et pédagogiques, toujours diluées dans les disciplines, sans reconnaissance de savoirs spécifiques. On oublie vite le rôle pédagogique des professeurs documentalistes ainsi que les cohérences à mettre en avant rapidement dans l’organisation systématique d’une transmission des savoirs, savoir-faire et savoir-être auprès des élèves.

D’autre part, nombre de chercheurs, et précisément ceux qui étudient et connaissent le système éducatif français, l’enseignement secondaire, insistent sur la nécessité de développement d’un véritable curriculum lié à l’information et aux médias, sur un projet pédagogique et didactique qui dépasse les cadres « classiques » de l’enseignement, pour une redéfinition des approches pédagogiques. Ils inscrivent ce besoin dans une période de développement du numérique, sans éluder la question des responsabilités humaines de cette mise en œuvre, autour des professeurs documentalistes, des professeurs de discipline, sans oublier les professeurs des écoles, afin de définir une cohérence globale de ces enseignements, sur une pédagogie de projets, chaque acteur pédagogique ayant un rôle à assurer, toute proportion gardée quant à l’idée d’une innovation généralisée, d’une technophilie exacerbée.

Notes

[1Lien vers le site officiel de la Conférence : http://emiconf-2013.ens-lyon.fr/

[2Une demande ultérieure de précisions sur les chiffres est restée sans suites.

[3Proposé très rapidement, un autre compte rendu de cette Conférence, dès le 24 mai, est disponible sur : http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2013/05/24052013Article635049783025844338.aspx. Avec en complément le compte rendu de l’intervention d’Alexandre Serres, oubliée par le Café pédagogique, est disponible sur le site Docs pour docs. 28/05/2013 : http://www.docpourdocs.fr/spip.php?article501

[4Le commentaire d’Ivana Ballarini est disponible sur http://emiconf-2013.ens-lyon.fr/tables-rondes/table-ronde-1. Le texte de l’APDEN, envoyé à tous les intervenants avant la Conférence, est disponible sur : http://www.apden.org/Pour-un-enseignement-de-l.html.

[5On le trouvera présenté, et en lien : 2013, Académie des Sciences. Eduscol [en ligne], 16/05/2013. Disponible sur http://eduscol.education.fr/numerique/textes/rapports/tice-e-formation/enseignement-scolaire/2013/academie-des-sciences

[6Ce qui est, soulignons le, le cheval de bataille actuel de Julian Assange, pour une garantie d’informations authentifiées par le biais de certificats cryptographiques.

[7Mais, si j’ai relevé ces chiffres, je ne suis pas parvenu, pour autant, à retrouver leur origine.

[8On notera toutefois quelques éléments sur les réseaux numériques des professeurs documentalistes dans la thèse elle-même : Unité mixte de recherche. Sciences Technique Education Formation (STEF) [en ligne]. Disponible sur : http://www.stef.ens-cachan.fr/annur/quentin.htm

[9Mucignat, Emmanuelle (présidente de l’ANDEP). Reynaud, Florian. Dimier, Gildas. Ugen, Noël. "Apprendre l’art du filtrage" dans le secondaire, intervention d’Alexandre Serres. Docs pour docs [en ligne], 28/05/2013. Disponible sur : http://www.docpourdocs.fr/spip.php?article501

[10Véran, Jean-Pierre. Éduquer aux médias : quels médias, quelle éducation, et quelle forme scolaire ? Blog Mediapart [en ligne], 17/05/2013. Disponible sur : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-pierre-veran/170513/eduquer-aux-medias-quels-medias-quelle-education-et-quelle-forme-scolaire#_ftn2

[11On trouvera les « Repères pour la mise en œuvre du Parcours de formation à la culture de l’information » ou PACIFI, parmi les archives d’Eduscol [en ligne], 13/10/2010. Disponible sur : http://eduscol.education.fr/numerique/actualites/veille-education-numerique/archives/octobre-2010/parcours-formation-culture-information

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